N° 1020 | Le 26 mai 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Handicaps et sociétés dans l’histoire

Franck Collard & Evelyne Samama


éd. L’harmattan, 2010 (223 p. ; 22 €) | Commander ce livre

Thème : Handicapés

La permanence de la présence du handicap à travers l’histoire est liée aux aléas intemporels de l’existence : guerres, affections congénitales, pathologies évolutives, accidents du travail ont toujours existé, produisant leur quota d’invalides. Sauf quand elles étaient exposées à la naissance et ne survivaient pas, la présence de personnes diminuées est attestée de tout temps. Ce qui ne signifie pas que leur sort ait été forcément toujours enviable. L’apitoiement secourable, la compassion ou l’assistance voisinèrent avec le soupçon d’une malédiction divine ou la suspicion d’une mise en scène pour vivre aux crochets de la société.

La Grèce antique, associant beauté physique et beauté morale, dévalorisait ceux qui étaient atteints d’un handicap : la perte d’un œil, d’une main ou le fait de boiter atteignant l’honorabilité. Ce qui ne les empêchait pas d’être mobilisés quand la cité était en danger. La première pension aux invalides tant militaires que civils est conçue par la République d’Athènes. À Rome, les citoyens préfèrent cacher leur infirmité. La prise en charge de la lèpre donnera lieu à toutes les solutions intermédiaires, entre la libre circulation et l’enfermement dans des léproseries.

La civilisation musulmane semble plus bienveillante à l’égard des infirmes, sans que l’on sache mesurer l’application concrète des proclamations théologiques. Le Moyen-Age européen distingue entre un état transitoire (maladie) et incurable (handicap). Les invalides ne sont pas acceptés dans les premiers hôpitaux, car les charges qu’ils représentent sont permanentes. La littérature est discrète sur leur sort. Seules les pièces de théâtre les font apparaître. Mais on ne sait pas ce que deviennent les blessés et estropiés souvent décrits dans des récits de batailles. Si la solidarité familiale est essentielle, il est fréquent de les voir mendier pour tenter de survivre.

Jusqu’au règne de Louis XIV, les souverains du royaume de France ont oscillé entre quatre politiques : imposer aux abbayes l’entretien des mutilés, les gratifier d’une pension, les affecter à des tâches de gardes passives ou les accueillir dans une institution particulière. Le Roi Soleil décide, en 1670, de créer à la fois un hôpital et une maison de retraite : ce sera l’Hôtel royal des Invalides. L’établissement pour vieux soldats fonctionne comme une caserne et dispose d’activités manufacturières. Victime de son succès, il restreindra les conditions d’accès, passant de 6 à 20 ans de service actif pour y être admis. Souvent imitée à l’étranger, cette création constitue la première immixtion de l’État dans une charité jusque-là monopole de l’Église, initiative qui ne cessera ensuite d’essaimer.


Dans le même numéro