N° 742 | Le 24 février 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Handicap et cinéma

Gérard Bonnefon


éd. Chronique Sociale, 2004, (112 p. ; 15 €) | Commander ce livre

Thèmes : Mental, Cinéma

Le cinéma transforme la réalité, embellissant ou enlaidissant les personnages, explore les plis et les replis de la société, ne laissant rien ignorer ou si peu des comportements humains. Le handicap n’a pas échappé à son regard. Son apparition à l’écran provoque un malaise qui renvoie au théâtre intime du spectateur. Rien d’étonnant à cela tant il peut faire peur, quand il symbolise la souffrance, la difformité, l’amorce de la mort ou la menace contre l’intégrité vitale. Dès l’époque du muet, le septième art s’est attaché à mettre en scène et à montrer des personnes porteuses d’invalidité ou accidentées de la vie. Bien sûr, la façon dont il les a présentées a évolué dans le temps, suivant en cela les évolutions des représentations de la société à leur égard, alternant des personnalités inquiétantes et sombres, positives et bienveillantes ou simplement protagonistes comme les autres.

De 1842 à 1940, le public raffole des spectacles de « monstres » : stigmatiser la différence physique ou mentale le rassure sur sa propre « normalité ». Il y a là tout un mélange fait d’incompréhension et de compassion, de cruauté et de morbidité. C’est la période où sort sur les écrans un film qui pour être devenu culte n’en a pas moins été interdit trente années durant, en Angleterre : Freaks (1932). L’histoire se déroule dans un cirque composé en grande partie de personnes victimes de malformations de naissance. Le scénario est basé sur une parabole : c’est l’apparence normale qui est signe de monstruosité de l’âme. La beauté morale efface la laideur physique.

Puis, la palette des personnages va s’élargir avec le progrès de l’intégration des personnes porteuses de handicap. Le cinéma participe alors à la critique du système de charité et de dépendance, revendiquant le droit de vivre dignement et montrant un processus engagé en terme d’émancipation et de libération (vivre non seulement avec les autres mais aussi comme les autres). Il faut attendre 1996 pour que, pour la première fois, un film (le Huitième jour) donne à un comédien porteur d’une trisomie 21 un rôle central.

Commentant 86 films, Gérard Bonnefon nous propose ici une analyse sociale et politique de l’image du handicap : « projetés sur les écrans, les personnages handicapés interpellent chacun d’entre nous sur ses propres représentations du handicap et de l’altérité. Une altérité qui est de ce monde, non comme une menace, mais comme une possibilité de rencontre avec l’autre » (p.33). Les murs des asiles sont tombés, mais il reste des mots, des regards et des attitudes qui continuent à enfermer dans des stigmatisations. Puisse le cinéma contribuer à l’évolution des mentalités et des comportements, au dépassement des peurs et des gênes à l’encontre de cet autre à la fois si proche et si lointain.


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