N° 838 | Le 26 avril 2007 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Guérir de l’inceste

Martine Cauvent


éd. Chronique sociale, 2006 (110 p. ; 12 €) | Commander ce livre

Thème : Abus sexuel

Un couple parental qui se sépare, un père qui abandonne définitivement ses enfants, un beau-père qui agresse sexuellement sa belle-fille, une enfant qui n’ose pas dire non et qui longtemps portera la culpabilité de n’avoir pas su résister, une mère complice qui pense préserver sa relation de couple avant de protéger sa fille… Martine Cauvent nous livre ici un témoignage bouleversant d’une enfance massacrée par un « lâche qui, ne se sentant pas homme, ne pouvait s’en prendre qu’à des personnes plus faibles que lui : des femmes ou des enfants » (p.23). Elle nous fait entrer dans l’horreur d’un calvaire au cours duquel elle a espéré, jour après jour, que l’agresseur finisse par se lasser. Mais jamais il ne s’arrêtera de la violer, utilisant tous les stratagèmes pour camoufler sa perverse activité. Elle finira par le dénoncer. Un procès aura lieu. Mais autres temps, autres mœurs, l’accusé ne sera condamné qu’à… deux ans d’emprisonnement dont vingt mois avec sursis !

Au-delà d’un récit parfois insupportable, reste un espoir : l’auteur nous décrit le cheminement thérapeutique qui lui a permis de survivre à l’inceste. « On gagne avec son histoire et non pas contre, alors changer ne sera pas devenir quelqu’un d’autre mais devenir ce que l’on est et accepter pour le dépasser » (p.57), explique-t-elle. Elle s’est mariée, a trouvé un travail et a eu deux enfants. Mais ce qu’elle a subi a continué à la ronger. Une première thérapie de type analytique lui aura permis de commencer à vider son lourd fardeau, même si la neutralité du thérapeute lui est apparue bien pesante : « Une fois, alors que j’allais vraiment mal, aucun mot n’est sorti. Je lui ai donné le chèque et je suis repartie en pleurant, après quinze minutes de présence dans son cabinet. Il n’a rien dit » (p.66).

C’est la psychologie biodynamique qui lui donnera les moyens de cheminer et de prendre conscience du paradoxe qui l’anime : veut-elle vraiment aller mieux, au risque de quitter son rôle de victime et d’être ainsi confrontée au vide que le problème laisserait derrière lui, s’il venait à disparaître ? Différents stages psycho corporels de groupe lui permettront d’avancer en comprenant la nécessité d’intégrer son vécu afin de pouvoir le dépasser, puis de le lâcher : « Le passé, je ne le changerai pas, je ne pourrai que l’accepter, le digérer et prendre suffisamment de distance pour qu’il ne m’empêche pas d’être heureuse aujourd’hui » (p.55).


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