Eysines : des travailleurs sociaux en conseil de discipline

En avril 2017, une dizaine d’agents du foyer départemental de l’enfance d’Eysines (33) dénonçaient des faits de maltraitance et de violence entre enfants dans une lettre ouverte. Fugues quotidiennes, viols, passages à l’acte violents, agressions physiques entre enfants et sur le personnel : la lettre mentionnait 190 agressions entre 2016 et 2017.

Hier, sept d’entre eux étaient convoqués devant un conseil disciplinaire de la fonction hospitalière, dont dépend le foyer. Leur hiérarchie estime qu’ils ont manqué à l’obligation de devoir de réserve et à la discrétion professionnelle, une faute passible d’une sanction disciplinaire allant du blâme à la révocation de la fonction publique. Trois autres signataires, qui ne travaillent plus dans l’établissement, se défendent en se décrivant comme des lanceurs d’alerte face à une enfance en danger.

130 enfants en difficultés se côtoient

Le foyer d’Eysines peut recevoir 130 enfants. Avec ses grands espaces collectifs, son bâtiment livré en 2007 est jugé par ces salariés plus propice aux colonies de vacances qu’à l’accueil de ces enfants en difficultés sociales et/ou psychiques. « Avant cette lettre, nous signalions depuis un an en interne les dysfonctionnements. » déplore Stéphane Daniélou, éducateur spécialisé signataire, qui a préféré démissionner après vingt ans d’exercice.

« Au lieu de s’attaquer au fond du problème, poursuit-il, la direction a choisi de sanctionner des travailleurs sociaux qui ont osé parler de la mise en danger des enfants accueillis, et de leurs conditions de travail. On dissimule les problématiques derrière la loi du silence, alors que le problème de fond est que l’Agence régionale de santé doit ouvrir des instituts spécialisés. Faute de place, nous recevons des enfants dont les troubles relèvent de l’accueil en ITEP ou en IME. Ce serait tenable pour quelques jours, mais là ça peut durer jusqu’à trois ans ».

Une petite unité très coûteuse

Le Centre départemental de l’enfance et de la famille (CDEF) gère sept sites : le foyer d’Eysines est le plus important. « Cet établissement d’accueil inconditionnel a une mission difficile, répond Barbara Proffit, directrice adjointe du CDEF. Les éléments de constats étaient connus du département, de la justice et de l’ARS, et rapportés régulièrement. Nous mettons en place des dispositifs expérimentaux, nous discutons avec l’ARS et nous avons la chance d’être entendus par le département. Nous avons des perspectives d’amélioration avec des dispositifs adaptés et conformes aux exigences des services public ».

Elle en veut pour preuve l’ouverture récente d’un foyer de huit places destiné à des enfants de 8 à 12 ans. « Les enfants y sont accompagnés par un binôme composé d’un infirmier et d’un éducateur, précise la directrice adjointe. Dans cette petite unité médico-sociale, le quotidien est très contenant, ritualisé. C’est un dispositif très coûteux ». La décision du conseil de discipline sera rendue entre le 10 et le 15 octobre.