N° 1129 | Le 5 décembre 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Enfants placés, déplacés, replacés : parcours en protection de l’enfance

Emilie Potin


éd. érès, 2012 (218 p. ; 23 €) | Commander ce livre

Thème : Protection de l’enfance

Emilie Potin a choisi comme sujet de sa thèse de doctorat en sociologie de réfléchir sur le parcours des enfants placés. Commençant par l’étude de trois cent cinquante dossiers de l’aide sociale à l’enfance, elle a reconstitué dix-huit trajectoires de mineurs en sollicitant le témoignage de quarante-huit jeunes, parents et professionnels. Ce travail long et détaillé a permis à l’auteur d’identifier une typologie de trois itinéraires : celui des enfants placés (ayant vécu une longue période de leur vie dans la même famille d’accueil), celui des enfants déplacés (ayant connu plusieurs accueils successifs en des lieux distincts) et celui des enfants replacés (ayant vécu des placements alternant avec des retours en famille).

Alors que le récit de vie est souvent utilisé en illustration des thèses défendues, il est ici au cœur de l’ouvrage. Ce qui prime, c’est d’abord la description de l’expérience des acteurs, les interprétations possibles n’étant proposées qu’ensuite. Sans surprise, le placement qu’on nomme dans le jargon du secteur « placement d’intégration », caractérisé par un accueil précoce et une continuité dans la même famille, est celui qui garantit la plus grande stabilité à l’enfant.

Il se construit alors à partir de deux univers : celui de ses parents d’origine qui, la plupart du temps gardent le contact avec lui, mais aussi celui de la famille où il est placé continûment. Le double mécanisme de filiation (famille naturelle) et d’affiliation (la famille d’accueil le reconnaît comme un des siens et l’enfant se vit comme un des leurs) garantit l’équilibre et le développement psychique, tant dans l’enfance, qu’à l’âge adulte. Les enfants ayant connu une multitude de lieux d’accueil développent, quant à eux, une insécurité latente, ne se sentant appartenir à aucune famille : ni celle d’origine ni celle où ils ont échoué
« momentanément ».

Ils sont fortement représentés dans la cohorte de ces « incasables » posant problème partout où ils passent, ayant le plus grand mal à trouver leur place quelque part. Quant aux enfants qui ont connu un enchaînement de placements et de retours au domicile familial, ils vivent ce qui se rapproche le plus d’une « résidence alternée » : s’ils vont et viennent, ils savent d’où ils viennent. La négociation est au cœur du placement, la reconnaissance des parentalités partielles (du côté des professionnels) et des limites de compétence (du côté des parents) facilitent grandement cette alternance.

Même si Emilie Potin se garde bien de vouloir édicter des « bonnes et mauvaises pratiques », on voit bien quelle option est la plus profitable à l’enfant. Reste à savoir si la multiplicité des placements est la cause du déséquilibre de l’enfant ou son résultat.


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