N° 803 | Le 29 juin 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Echec scolaire : le travail avec les familles

Daniel Verba


éd. Dunod, 2006 (156 p. ; 21 €) | Commander ce livre

Thème : École

Le face à face entre l’école et les familles a longtemps été conflictuel. L’histoire de cette institution est indissociable d’une coupure structurelle entre l’espace scolaire et l’espace familial. L’instruction doit « libérer les enfants de l’amour de leurs parents », affirmait le philosophe Alain. Toutefois, après deux siècles de mise à l’écart et de désappropriation, les familles suscitent un regain d’intérêt. D’abord parce que l’Éducation nationale a progressivement abandonné son fonctionnement autarcique pour s’ouvrir au monde qui l’entoure.

Ensuite, parce qu’elle a compris que le regard porté par les parents sur la scolarité de leur enfant influe d’une manière significative sur leur réussite. Aussi, plutôt que d’attribuer l’échec scolaire à une socialisation familiale mal adaptée aux contraintes de l’enseignement, émerge l’hypothèse tout aussi pertinente de l’inadéquation des pratiques scolaires aux usages familiaux ! Pour autant, cette nouvelle collaboration se heurte à bien des obstacles tant chez les familles que chez les professionnels.

Du côté des parents, on identifie traditionnellement trois types de stratégies face à l’école. La coopération certes, qui se manifeste d’une manière active (adhésion au discours des enseignants) ou passive (docilité liée à une grande résignation). Mais aussi l’évitement et la fuite : l’inactivité socioprofessionnelle, les souffrances diverses, les problèmes de santé rencontrés peuvent facilement les éloigner de la scolarité de leurs enfants. Sans compter un profond malaise lié au complexe d’infériorité éducatif et culturel initié ou renforcé par l’institution. La stratégie critique, voire inquisitrice enfin, conséquence d’une méfiance ou d’une remise en cause des capacités à offrir les conditions attendues de la réussite.

Mais, les résistances sont aussi du côté des professionnels qui cultivent trop souvent des rapports de domination et d’infantilisation à l’égard des familles. Situation encore aggravée par le peu de considération avec laquelle les établissements les reçoivent. Il suffit pour s’en convaincre de constater la quasi inexistante de locaux d’accueil décents proposés pour organiser ces rencontres. « On a oublié que l’école est un service public qui est au service des administrés et des contribuables et qu’à ce titre, les parents et les enfants ont droit à toute l’attention que nécessitent leurs questions, leurs inquiétudes et leurs difficultés » (p.77). De l’intention à la réalisation, il reste du chemin à parcourir.

Résultat, le partenariat entre l’école et les familles se réduit trop souvent à trois registres. Les familles sont soit instrumentalisées comme simples prestataires (apportant aide ou soutien ponctuel pour une fête ou un déplacement), soit perçues comme objets et non actrices (elles doivent apprendre à être de bonnes familles), soit considérées comme préceptrices (devant améliorer les performances scolaires). La légitimité des parents au sein de l’école est encore à conquérir.


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