N° 967 | Le 1er avril 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Devenir adulte. Sociologie comparée de la jeunesse en Europe

Cécile Van de Velde


éd. Puf, 2008 (278 p. ; 27 €) | Commander ce livre

Thème : Jeunesse

Les frontières entre l’adolescence et l’âge adulte sont devenues floues. La jeunesse apparaît mouvante et réversible, alors que, dans le même temps, la période où l’on peut pleinement s’assumer semble de plus en plus retardée et inaccessible. L’imprégnation culturelle complexifie encore cette phase de transition. C’est ce que Cécile Van de Velde illustre ici, dans une étude passionnante qui compare les modalités de passage à l’âge adulte, dans quatre pays d’Europe.

Première nation étudiée, le Danemark, marquée par la décohabitation extrêmement précoce du domicile familial : le quitter à la fin de l’adolescence est considéré comme une nécessité. Cette coutume est préparée par une intégration au monde du travail qui intervient très tôt et une allocation d’Etat accordée, sans condition de ressources, sur une durée maximale de 72 mois. Cette autonomie favorise les trajectoires discontinues exploratoires, alternant les études et des expériences de vie (travail, voyage…).

Jusqu’à 30 ans, le jeune Danois, s’appuyant sur un sentiment relatif de non-urgence et de sécurité de l’emploi, cherche avant tout à se trouver. La séparation des enfants d’avec leurs parents intervient aussi de bonne heure au Royaume Uni. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’âge moyen de ce départ était de 14 ans. Aujourd’hui, rester au domicile familial après 20 ans est considéré comme pitoyable. L’indépendance résidentielle des jeunes salariés intervient à partir de 16 ans, complétée chez les scolaires par la tradition de l’internat. On est là dans une précipitation à accéder au statut d’adulte : il faut, avant tout, essayer de s’assumer.

La France, quant à elle, est dominée par un cheminement long et progressif vers l’indépendance. Certes, la saturation du marché de l’immobilier ne favorise pas l’installation dans son propre logement. Mais quand elle a lieu, il n’y a pas de réelle rupture symbolique, plutôt une extension ambiguë et réversible du nid familial. Les jeunes sont confrontés au paradoxe d’une éthique de l’autonomie s’articulant avec un lien rigide entre l’identité sociale future et le niveau des études et des diplômes qui contraint à rester en famille. Il est légitime de partir ni trop tôt, ni trop tard.
L’essentiel est de réussir à « se placer ».

Le modèle espagnol, quant à lui, a normalisé et banalisé le maintien chez les parents, sur le mode de la solidarité et de la sécurité affective. L’âge médian de la décohabitation y est de 27 ans, et ce serait assurément les blesser que de partir avant de « s’installer », en formant une nouvelle famille. Malgré leur proximité, les quatre pays étudiés se structurent autour d’une matrice respectivement protestante, pour les deux premiers et catholique, pour les deux derniers.


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