N° 690 | Le 11 décembre 2003 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Des rives du sexe

Pascal Le Rest


l’Harmattan, 2003 (255 p. ; 21,35 €) | Commander ce livre

Thème : Sexualité

En dépit d’un titre quelque peu aguicheur, le dernier ouvrage de Pascal Le Rest ne mérite franchement pas le détour par les rives en question. On y apprend (mais est-ce véritablement une découverte ?) que depuis les années soixante/ soixante-dix, les pratiques sexuelles ont considérablement évolué. Le lecteur sera ainsi fort satisfait de savoir, entre autres, que « la pénétration anale n’a été pratiquée, en 1992, au moins une fois , que par 30 % des hommes et 24 % des femmes, tandis qu’en 1972, chez les 20 à 49 ans, 24 % des hommes et 16 % des femmes l’avaient expérimenté au moins une fois ». Voilà, en effet, qui donne sérieusement à réfléchir…

Passons sur les statistiques concernant la masturbation (et pourtant il y aurait tant à dire !). Mais attention aux chiffres délivrés par les enquêtes, nous signale l’auteur, car les hommes en particulier peuvent surestimer certaines données (par exemple, le nombre de partenaires ou la fréquence des rapports) afin de se valoriser. Pas impossible, effectivement, connaissant la gent masculine. Quelles sont donc les raisons de cette libération sexuelle exponentielle et de cette créativité débridée dans la façon d’exécuter la chose ? Il y en aurait plusieurs et pas des moindres. Première révélation : « Au sang pur de la noblesse, la bourgeoisie oppose le sexe sain de l’organisme bien portant, qui assure la descendance pour les siècles prometteurs ». La Révolution française était donc, à sa manière, une révolution sexuelle (les dessous de l’Histoire en quelque sorte). Et puis vint mai 68 et ses mots d’ordre, "jouissons sans entrave, il est interdit d’interdire, etc.". Un petit air de déjà vu…

Mais l’ouvrage de Pascal Le Rest est scientifiquement argumenté, nous objectera-t-on. Le livre est effectivement "agrémenté" de larges extraits des livres de Catherine Millet (celle-là, si le hasard la met un jour sur ma route…) et de R. Anderson (ex-actrice porno). Voilà en effet des témoignages incontestables sur lesquels un ethnologue peut légitimement s’appuyer… Il y a aussi ce passage où l’auteur nous raconte ses observations perspicaces dans un magasin vidéo. Un ethnologue digne de ce nom se doit d’aller sur le terrain, rien à redire. Pascal Le Rest n’a pas ménagé sa peine, de toute évidence. Terminons par un extrait qui vaut son pesant de cacahouètes : « Tuer sa femme parce qu’elle a couché avec le plombier du coin ou le préfet d’arrondissement n’est plus considéré comme une réaction pensable, encore moins estimable. Le meurtrier ne bénéficiera d’aucune circonstance atténuante ». L’auteur de ce savant commentaire non plus !


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