Crise à l’Adapei 33 : après les salariés, les cadres

« En 30 ans de métier, c’est la première fois que je vois ça » : éducateur spécialisé en Institut médico-éducatif (IME) et délégué syndical central CGT de l’Adapei Gironde, Pierre Guittard s’étonne mais approuve la lettre ouverte adressée au conseil d’administration par des cadres, qui ont souhaité rester anonymes. Cette lettre, que Lien social s’est procurée, dénonce d’abord des choix d’organisation risqués pour la sécurité des usagers, à des fins d’économie. « À compter de janvier 2018, il n’existe plus qu’un seul cadre d’astreinte par territoire qui gère tout, des questions RH, aux problématiques des usagers, aux déplacements sur site en passant par les soucis matériels (…) Comment peut-il répondre présent simultanément à un oubli de médicament, une absence de veilleur de nuit, un incident grave, voire décès, sur plusieurs établissements ? », s’interrogent les signataires.

Nombreux départs de cadres

Le deuxième point concerne le management, qualifié de « brutal et arbitraire », signe d’un « mépris » qui « est devenu une norme ». « Nous n’avons aucun moyen interne à l’ADAPEI pour défendre nos droits mis à part des syndicats salariés mais nous ne souhaitons pas tout mélanger. Cette pression et cette situation sont devenues invivables et impactent directement nos vies professionnelles et personnelles. Nous n’allons pas pouvoir continuer longtemps ainsi », poursuivent les rédacteurs. Ils invitent le conseil d’administration à interroger les salariés ayant préféré quitter leur poste, une quarantaine selon eux. Et dénoncent une situation financière « inquiétante », interrogeant, à propos de la reprise d’un établissement : « Avons-nous besoin d’un nouvel ESAT, très coûteux, alors que nous n’arrivons déjà pas à financer tous les projets indispensables pour assurer un accueil adapté et sécurisé à toutes les personnes accueillies dans nos structures ».

Des grèves depuis 2014

« Nous partageons les constats, même si nous regrettons que cette lettre soit anonyme, analyse Pierre Guittard. La dérive s’est amplifiée avec le récent accord sur le temps de travail, que la CGT a refusé de signer, et dans lequel les cadres étaient particulièrement visés. Pour la direction générale, cet accord est une boîte à outil afin de réaffirmer son autorité. Au pôle enfance, des changements au pas de course vont survenir sans aucune concertation avec les professionnels de terrain ». Selon Pierre Guittard, trois des quatre directrices des IME de l’Adapei 33 sont actuellement en arrêt maladie.

Déjà en 2014, un mouvement de grève avait secoué l’association qui compte 1 300 salariés et accueille 2 000 personnes en situation de handicap. Les grévistes réclamaient la démission du directeur général, Emmanuel Devreese. En avril 2017, les salariés cessaient à nouveau le travail avec cette même revendication. Jusqu’à présent, les cadres ne s’étaient pas mobilisés et le directeur général restait soutenu par le président, Didier Bazas. Cette fois, celui-ci assure à Lien Social : « La gouvernance a été interpellée par le contenu du courrier adressé par des cadres au Conseil d’administration de l’Adapei de la Gironde et a engagé immédiatement une phase de réflexion afin d’y apporter une réponse appropriée ». Emmanuel Devreese n’a pas donné suite à nos sollicitations.