N° 1163 | Le 14 mai 2015 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Contrat et contractualisation dans le champ éducatif, social et médico-social

Catherine Taglione (sous la direction)


éd. EHESP, 2013, (144 p. – 22 €) | Commander ce livre

Thèmes : Éthique, Projet individuel

La signature d’un contrat avec l’usager participe du quotidien des professionnels de l’action sociale, sans que l’on s’interroge toujours sur le positionnement, la posture, la pratique et l’éthique qu’elle implique. C’est ce que nous proposent ici une douzaine de juristes, psychologues, philosophes et acteurs de terrain. La pratique contractuelle entraîne trop souvent deux confusions : celle entre la démarche et sa concrétisation sous la forme d’un écrit formel et celle entre la signature apposée au bas du document et l’accord que celle-ci est censée attester. La forme d’un contrat est laissée à l’appréciation des contractants. Et si l’écrit joue un rôle de protection, apportant la preuve de la consistance de ce qui a été convenu, il n’est nullement obligatoire. Intervient, ensuite, un facteur incontournable : le consentement éclairé et le libre choix.

La contractualisation nécessite autant l’ajustement entre l’offre et la demande, qu’un engagement clair et lisible des deux parties. Les échanges multiples et les éventuelles négociations peuvent déboucher sur un consensus entraînant l’implication réciproque. Mais le constat de divergences trop importantes peut produire le contraire et mettre un terme au projet contractuel. Le processus qui n’aboutit pas ne constitue pas un échec, mais une éventualité, chacun devant être entendu dans ses refus, ses hésitations, sa passivité, voire son indifférence.

Autres mises en garde salutaires : tout n’est pas contractualisable. Toute cause qui est contractualisable ne l’est pas forcément librement et n’est pas également valable. Enfin, toute personne juridique n’est pas indifféremment apte à contractualiser. La meilleure illustration des effets pervers possibles se trouve peut-être dans la dimension contraignante que présente parfois la protection de l’enfance. Ce secteur qui a le premier initié la pratique de la signature par l’autorité parentale du contrat d’accueil provisoire autorisant la prise en charge physique du mineur (loi de 1984), est aussi celui où se pose, avec le plus d’acuité, la question de l’adhésion induite face, par exemple, au placement imposé par le juge des enfants.

C’est pourquoi les praticiens préfèrent parfois parler de l’élaboration d’un projet individualisé pour l’enfant, plutôt que d’un contrat. Mais le déséquilibre entre professionnels et bénéficiaires est tout aussi manifeste dans les autres secteurs, les ressources sociales et cognitives étant inégalement réparties pour garantir une collaboration équitable. L’idéologie portée par la logique contractuelle fait de l’usager un individu autonome, entrepreneur de lui-même et acteur rationnel et gestionnaire de ses intérêts. Il est invité à se prendre en charge et, au final, porte la pleine responsabilité de la réussite ou de l’échec des objectifs convenus dans le contrat signé.


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