N° 673 | Le 10 juillet 2003 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Comprendre la sexualité de la personne handicapée mentale

Denis Vaginay


éd. Chronique Sociale, 2002 (206 p. ; 16,50 €) | Commander ce livre

Thème : Sexualité

Nos sociétés naïves semblent découvrir que les personnes handicapées mentales ont une sexualité. Pourtant, dès 1897, le médecin Bonneville considérait que les rapports sexuels des arriérés offraient une bonne alternative à l’onanisme ! Mais jusqu’aux années 1960, on est resté dans le déni. Puis, progressivement on a accepté de reconnaître le droit au plaisir et à la sexualité, en passant toutefois par une double représentation : l’ange (être asexué) et le démon (sexualité bestiale). Aujourd’hui, on ose regarder les choses en face et même tenter de les analyser. C’est ce que fait avec talent l’auteur, en abordant les diverses manifestations qui sont bien connues des professionnels.

Il nous parle d’abord de ces injures ordurières et très sexualisées que l’on retrouve si souvent chez ces jeunes. Si ces propos grossiers servent de clés de communication et de formules magiques (comme cela se passe chez beaucoup d’autres adolescents), ils sont aussi utilisés pour explorer le corps, la relation érotico-séductrice et les champs d’expérience possible. La bouche joue là un rôle rassurant (car nourricier), tout en permettant de verbaliser une réalité sexuée et génitalisée. Si la masturbation constitue une pratique courante chez tous les enfants, les jeunes handicapés y ont recours, outre pour le plaisir que cela leur procure, pour se recentrer et lutter contre le sentiment d’éclatement de leur corps. Les embrassades narcissiques, ces longs baisers qui unissent deux jeunes (la différence de sexe ayant là que peu d’importance), sont la marque d’une sexualité encore très archaïque et partielle.

C’est là surtout un appui sur autrui pour se sentir désespérément en vie et exister par et dans l’autre. La découverte réciproque du corps se limite fréquemment à une palpation ou à une captation sans que cela ne débouche le plus souvent sur le coït. C’est que le rapport à l’autre se fait à partir d’un processus permettant de percevoir la différence et la ressemblance, démarche combien difficile pour les personnes handicapées mentales. Parce qu’ils sont moins limités que d’autres par une instance morale interne, habitués qu’ils sont à être entourés, protégés et soutenus, « certains jeunes handicapés mentaux peuvent présenter des comportements inadaptés et dangereux à l’égard d’autres jeunes, notamment des enfants » (p.124)

Percevant mal l’attente de l’autre et débordés par leur propre envie, ils vont directement à son contact ce qui peut être vécu comme une violence. Mais, ils peuvent aussi être victimes d’abus. En la matière leur consentement à l’acte sexuel, s’il est nécessaire, est loin d’être suffisant. Les interdits qui peuvent alors être posés sont là pour protéger les plus faibles, en vérifiant qu’ils sont bien aptes à consentir.


Dans le même numéro

Critiques de livres

Nicole Diederich & Tim Greacen

Sexualité et sida en milieu spécialisé