N° 1144 | Le 26 juin 2014 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Ceux qui passent

Haydée Sabéran


éd. Montparnasse, 2012 (254 p. ; 20 €) | Commander ce livre

Thème : Immigration

Journaliste à Libération, Haydée Sabéran présente dans ce livre, à la fois émouvant et documenté, le monde des jungles situé face à une Angleterre que tant de réfugiés de la misère veulent atteindre. Bloqués sur la côte d’Opale, entre Calais et Dunkerque, ils tentent de survivre, en attendant un hypothétique passage, dans des campements insalubres improvisés dans les forêts. Leur détermination est sans faille. Craignant d’être identifiés par leurs empreintes digitales, nombre d’entre eux n’hésitent pas à se brûler régulièrement la pulpe des doigts, utilisant pour cela de l’acide sulfurique, des clous chauffés à blanc ou des plaques de cuisson. L’auteur décrit les humiliations imposées par une Police qui n’hésite pas à réveiller ces réfugiés plusieurs fois dans la nuit, jetant leurs couvertures dans les flaques d’eau ou les imbibant de gaz lacrymogènes, les arrêtant et les relâchant quarante kilomètres plus loin, sans chaussures.

Moins leur séjour est confortable, moins ils auront envie de venir, moins ils seront nombreux, pensent les autorités, élevant le harcèlement en stratégie de découragement. Mais c’est sans compter sur une population locale révoltée face à ces traitements indignes. C’est cet agriculteur s’apercevant que des Érythréens se sont réfugiés dans son hangar : au lieu de les dénoncer, il décide spontanément de les secourir. C’est cette infirmière décidant de donner des soins à ceux qui se sont blessés. C’est ce maire UMP qui autorise un campement sur un terrain municipal. Entre la loi qui condamne à cinq ans de prison toute aide à un séjour irrégulier et à dix ans quand cela se fait en bande organisée, et leur conscience, ces citoyens ordinaires mais non moins exemplaires ont tranché sans hésitation. L’ouvrage de Haydée Sabéran multiplie les reportages, les portraits et les descriptions démontrant l’ampleur et les limites de l’humanisme face à tant de détresse.


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