N° 970 | Le 22 avril 2010 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Autisme et parentalité

Christine Philip


éd. Dunod, 2009 (283 p. ; 27 €) | Commander ce livre

Thème : Autisme

Longtemps diagnostiqué du côté de la psychose, l’autisme est aujourd’hui plutôt classifié dans les troubles envahissants du développement. A la différence d’autres affections se manifestant très tôt, il faut attendre la fin de la première année, pour voir apparaître ces troubles neuro-développementaux portant atteinte aux interactions sociales. Impuissance à identifier ses propres émotions et celles des autres, difficultés à intégrer et sérier tous les autres stimuli sensoriels (auditifs, visuels, contact physique…), incapacité à interpréter les postures d’autrui et à s’y ajuster, propension à une rigidité de pensée ou à adopter une stéréotypie gestuelle… ce sont autant de freins à l’élaboration des compétences sociales, à l’autonomie et au langage. Ce dont souffre le sujet, ce n’est pas tant d’un repli sur lui-même, que d’une carence majeure à établir une communication avec le monde qui l’entoure. Cette évolution notable dans la perception des mécanismes de l’autisme s’est accompagnée de la modification de la compréhension de ses origines possibles.

Inaugurée par Leo Kanner (qui reviendra sur son accusation, par la suite), intensifiée par Bruno Bettelheim et Maud Mannoni, perpétuée par bon nombre de psychanalystes, la mise en accusation des parents et plus particulièrement des mères dans la relation avec l’enfant est en train de perdre de la vigueur, au profit de causes potentiellement organiques ou génétiques. Pour autant, cette vision a largement imprégné les professionnels qui continuent à rechercher au cœur d’une supposée distorsion familiale l’origine du problème. Soigner l’autisme passerait donc plus par une thérapie des parents, que par une éducation de l’enfant à l’apprentissage des habiletés sociales qui lui font défaut. La France continue à privilégier encore l’approche psychanalytique au détriment des approches TEACCH, RER-R, AAPEP… stigmatisées comme de vulgaires méthodes de dressement comportementalistes.

C’est dans ce contexte que Christine Philip nous propose un état des lieux vraiment passionnant et pertinent portant sur l’évolution de la place des parents successivement considérés comme pathologiques, puis comme ayant besoin d’être accompagnés et écoutés. L’auteure plaide avec talent pour ne pas les enfermer dans leur expérience initiale traumatisante et pour, au contraire, utiliser les compétences qu’ils ont acquises à leur corps défendant. L’expérience et le savoir-faire qu’ils ont accumulés ne s’opposent pas à ceux des professionnels. Les uns et les autres doivent se compléter et non se concurrencer dans une authentique démarche de co-éducation. La présentation de la chronologie de la posture des professionnels ainsi que les vignettes proposées montrent qu’en la matière il y a encore bien du chemin à parcourir !


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