N° 889 | Le 19 juin 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Accroître le soin relationnel avec des personnes désignées démentes, séniles, type Alzheimer

Bernadette Cuisinier


éd. Chronique Sociale, 2008 (224 p. ; 17,50 €) | Commander ce livre

Thème : Personne âgée

La vie est faite d’une succession de stades, chaque étape étant l’occasion d’améliorations apportées par le changement opéré. Seule la vieillesse apporte un déséquilibre dans ce processus, produisant plus de déficits que de bénéfices. Elle est synonyme d’anémie narcissique et de crainte de l’effondrement : l’individu présente le risque de se perdre avec ce qu’il perd. Le vieillissement, ce peut aussi être l’envahissement d’un certain nombre de symptômes liés à la sénilité ou la maladie d’Alzheimer : repli sur soi, syndrome du glissement (démotivation face à la vie et doute sur ses étayages), lamentations ou radotage, déambulation ou errance, agressivité ou agitation, états confusionnels ou désorientations spatio-temporeles, troubles de la mémoire ou conduites maniaques, sans oublier cette tendance du vieillard soit à s’agripper soit à se détacher de ses proches.

Mais ce qui menace le plus la personne âgée, ce n’est pas tant les effets destructeurs de ces affections que la démission relationnelle de son environnement. Ce que l’auteur nomme, en référence avec l’hospitalisme de Spitz, l’institutionnalisme se concrétise par la tendance à déshumaniser, à chosifier ou à infantiliser la personne âgée : « N’y a-t-il pas un désir d’en finir avec les vieux qui se plaignent sans arrêt, qui gémissent, disent trop de vérités sous prétexte d’être “gâteux”, qui ne se contrôlent plus psychiquement, ni physiquement ? » (p.172). Cette confrontation douloureuse peut réveiller la part d’animalité qui gît en chacun d’entre nous. Tout au contraire, agir face à une personne âgée dans le respect de ce qu’elle est, c’est la déloger de l’impasse et du fossé de la vie où elle voudrait se réfugier. C’est lui offrir un étayage suffisant pour lui permettre de renaître à la vie psychique, en lui servant de prothèse et de moi auxiliaire. C’est donner du sens, mettre en mots, décoder ce qui se passe.

C’est reconnaître la personne derrière sa maladie. C’est la réhabiliter dans sa qualité d’être humain. Entreprendre le travail du vieillir, c’est se donner les moyens de poursuivre sa vie, sans la figer et rester totalement acteur. Cela implique alors que le relationnel prenne le pas sur le fonctionnel. Car, ce qui peut être considéré comme une diminution de l’être peut tout autant être conçu comme une autre façon d’être. La vieillesse n’est pas que négative : elle peut aussi avoir son charme, permettant de prendre le temps de savourer les bonnes choses. Si pendant longtemps, ce qui a compté, c’est la quantité de vie. Aujourd’hui c’est sa qualité qui prime. Et puis, après tout, « il n’est pas donné à tout le monde de vieillir ; si la vieillesse vient, c’est bon signe, signe que la personne n’est pas morte avant » (p.27).


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